Etudiante en Master 2 de psychologie, j’ai réalisé un stage assez court (environ 200 heures, soit 2 mois de stage) au sein de deux structures se trouvant à Albi : la MDA et le CMP pour enfants. Mon stage s’est découpé de la manière suivante : 3 jours par semaine au CMP et 1 jour par semaine à la MDA. Les missions que l’on a pu me confier n’ont pas été identiques. En effet, à la MDA j’ai eu l’occasion de participer aux réunions de synthèses et à certains entretiens, notamment avec les parents car il était plus simple pour ma tutrice de m’intégrer au sein de ces entretiens. Il peut être plus délicat de m’intégrer au sein d’entretiens avec les jeunes où une relation, un transfert se sont établis.
De plus, les jeunes ont une parole qui émanent d’eux-mêmes contrairement aux enfants plus jeunes qui sont souvent pris dans la parole des parents ou de l’entourage. M’introduire dans leurs entretiens pourrait ainsi venir entraver l’accès à leur parole. De plus, les jeunes ne s’adressent pas de la même manière lorsqu’ils ont deux interlocuteurs et lorsqu’ils sont seuls avec un.e psychologue, pouvant ainsi avoir une parole différente lorsqu’ils s’adressent à plusieurs personnes. La durée de mon stage et la période à laquelle je l’ai réalisé ne permettaient pas d’envisager que je puisse effectuer des suivis qui auraient nécessité davantage de temps au sein de la MDA.
A la MDA, j’ai eu l’opportunité de monter et d’animer un atelier portant sur le cinéma auprès de jeunes de la mission locale. J’ai préparé cet atelier avec ma tutrice et je l’ai mené avec une stagiaire présente à la même période. Nous avons choisi un documentaire : « Adolescentes », réalisé par Sébastien Lifshitz, où nous suivons le quotidien d’Emma, issue d’un milieu bourgeois cultivé, et d’Anaïs venant d’un milieu plus populaire. Dans la même classe au collège, elles sont amies malgré leurs différences. Nous les suivons depuis leurs 13 ans jusqu’à leur majorité, cinq ans de vie où se bousculent les transformations et les premières fois. Le réalisateur filme les jeunes filles dans leurs environnements, captant tout ce qui se trouve dans son champ. Nous pouvons ainsi assister, au travers de la caméra, à des scènes authentiques de vie et c’est ce qui m’a tout particulièrement plu. Les thématiques que nous voyons apparaître au cours du documentaire sont représentatives de ce que vivent les jeunes au cours de cette période qu’est l’adolescence : les relations amicales et amoureuses qui prennent une place de plus en plus importante, les relations intrafamiliales qui peuvent être chargées de conflits et notamment des conflits mères-filles, le rapport au corps, plus précisément au poids et à l’image de soi qui sont influencés par le regard de l’autre, les différences que peuvent engendrées les classes sociales au sein desquelles évoluent les jeunes ou encore l’orientation après le collège en filière générale ou professionnelle. Après avoir visionné ce documentaire, il nous a semblé qu’il pouvait permettre d’aborder ces questions, diverses, que posent l’adolescence. Celui-ci étant long (2h16), j’ai choisi de n’en passer qu’un extrait, les 48 premières minutes qui permettent d’aborder les thématiques précédemment citées et dont le contenu était selon moi suffisamment fourni pour nourrir la discussion. Pour autant cet atelier ne fut pas simple à mener. Les jeunes n’ont pas réellement apprécié le documentaire et elles ont donc eu du mal à élaborer sur celui-ci. Afin de lancer la discussion, nous avons dû avec l’autre stagiaire initier les échanges, notamment entre nous, nous questionnant l’une l’autre sur des passages du film. Nous avons donné nos avis sur le documentaire, sur les scènes nous ayant marquées, évoquer les liens que nous avions pu faire avec notre propre vécu et les jeunes se sont, peu à peu, intégrées à l’échange. Elles sont ainsi parvenues à faire du lien avec leur propre vécu en faisant notamment référence aux réorientations professionnelles de leurs proches et la discussion s’est orientée sur les réseaux sociaux et leurs dérives. En effet, elles ont pu constater sur les réseaux sociaux et notamment sur TikTok des contenus qui leur sont parus heurtant pour les plus jeunes, à caractère sexuel mais pas seulement. Elles ont également rapporté avoir observé, vis-à-vis d’autres utilisateurs de ces réseaux et non vis-à-vis d’elles-mêmes, des propos blessants, des insultes pouvant aller jusqu’au harcèlement. Cet atelier a été compliqué à mener puisque les jeunes n’étaient pas, au départ, investies dans celui-ci et il a fallu que nous intervenions à plusieurs reprises pour les mobiliser. Selon moi, cela peut s’expliquer par diverses raisons : les problématiques abordées étaient-elles trop proches de celles des jeunes ? Se sentaient-elles suffisamment concernées par l’atelier ? En effet, cet atelier faisait partie d’interventions auxquelles elles ont l’obligation d’assister dans le cadre de la mission locale. La participation volontaire des jeunes me semble être non négligeable pour que les jeunes se sentent investis dans l’atelier et dans les échanges qui en découlent. Dans mon précédent stage où j’ai également mis en place cet atelier, les jeunes n’étaient pas obligés de participer à l’atelier et ceux présents se montaient plus investis.
De plus, au sein de la MDA j’ai eu l’occasion d’assister à plusieurs réunions au cours desquelles les professionnels (psychologues, éducateurs, adulte relais, coordinatrice de la MDA et pédopsychiatre) peuvent échanger sur les situations qui leurs posent problèmes. Ces réunions permettent aux professionnels de formaliser les entretiens et de prendre ainsi un certain recul, cela leur permet de s’extraire de ce dans quoi ils peuvent être pris. Le temps de parole n’étant pas toujours définit dès le départ, certains professionnels n’ont pas le temps de présenter toutes les situations qu’ils souhaitaient aborder. Ce qui me semble essentiel au sein de ces réunions est la place qu’est accordée à chacun. Chaque professionnel, peu importe son rôle, son statut ou son métier, est libre de prendre la parole et de participer aux échanges, sa parole, son avis seront écoutés et pris en considération.
L’une des particularités de la MDA qui me semble avoir un impact sur les prises en charge est le lieu. En effet, la maison renvoie à l’espace de l’intériorité, de l’intimité, du familier de chacun. Elle est ancrée à la fois dans le corps et dans l’espace psychique propre et elle s’inscrit dans la construction de l’identité et dans le sentiment de continuité de la personne. Elle mobilise à la fois l’histoire personnelle et l’imaginaire collectif, centré sur la famille. Le terme de maison des adolescents semble ainsi comporter des atouts et s’avère adéquat pour designer cet espace destiné aux adolescents. Cette maison doit pouvoir être investie, habitée comme un lieu « transitionnel » (Pripis, Andrieux, Mille & Duriez, 2011 ). Dès lors que le jeune se rend au sein d’une maison et non d’une institution, il peut ne pas être confronté à la même ambiance ni au même ressenti.
Au sein du CMP j’ai également eu l’occasion d’assister à des réunions, à des entretiens avec les enfants mais j’ai également eu la possibilité de mener des entretiens auprès d’enfants et d’échanger sur ceux-là avec ma tutrice par la suite, ce qui a été particulièrement formateur pour moi. En tant que stagiaire, il n’est pas toujours évident de faire le lien entre mes observations et les théories mais les échanges avec ma tutrice et les différents professionnels permettent de faire ce lien et d’approfondir mes observations et mes analyses. Ces entretiens m’ont fortement marqué puisqu’ils ont été les premiers que j’ai menés seule.
L’un d’eux m’a tout particulièrement marqué. Laura (le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat) est une jeune fille de 5 ans dont la mère a demandé à commencer un suivi au CMP car elle ne parle que peu à sa maitresse notamment en situation groupale où elle s’efface et ne parle pas. D’après la maîtresse et l’orthophoniste qui la suit, ce silence est dû à un « manque de confiance en elle » qui, lorsqu’il sera résolu, lui permettra de prendre davantage la parole. La mère de Laura ne conteste pas ces propos et est en accord avec la maîtresse et l’orthophoniste, c’est ce qui motive sa venue au CMP. Laura est décrite comme une enfant fatiguée et fatigable. Au fil des entretiens, j’ai observé de réels changements dans le comportement de Laura, cet espace semblant important pour elle. En entretien et en présence de sa mère, elle est très calme, silencieuse, comme « figée ». Au cours des entretiens où elle est accueillie seule, Laura apparait animée et lorsqu’elle quitte la séance, elle s’éteint et redevient calme, se collant à sa mère et ne bougeant plus, ne disant plus rien. Au fur et à mesure des entretiens, elle est de plus en plus animée, elle s’approprie cet espace et indique ce qu’elle veut faire, parle de plus en plus d’elle, de son quotidien et de ses peurs. Son langage devient également de plus en plus structuré et compréhensible, elle s’exprime davantage au fur et à mesure des séances. Pour Laura, les mots sont importants et possèdent tous une certaine valeur. Ce qui a pu libérer sa parole peut se trouver au sein de la relation qui s’est établie entre Laura et moi et notamment dans le fait que je la laissais parler, sans mettre une parole à sa place. Laura en s’appropriant cet espace et en y évoluant de manière surprenante montre bien sa volonté de s’individualiser et de développer sa singularité. La situation de Laura m’a permis de me rendre compte de l’importance du respect de la temporalité de chaque enfant qui évolue à son rythme et qu’il ne faut pas chercher à devancer. De plus, le travail avec les familles m’apparait primordial dans la prise en charge des enfants puisqu’elles peuvent influencer de manière considérable le développement de l’enfant. Le travail auprès d’enfants passe ainsi par une prise en compte de la dynamique familiale et par un travail avec les parents.
Le travail en équipe permet ainsi d’envisager ce travail avec les parents en dehors de l’espace de l’enfant. En effet, les parents peuvent être reçus, s’ils le désirent, par un autre membre de l’équipe pour qu’ils puissent avoir leur propre espace, bien différencié de celui des enfants. Ils peuvent alors y réaliser un travail sur eux-mêmes, sur leurs propres questionnements, ce qui aura un impact sur le travail auprès de l’enfant.
Le travail en MDA et en CMP n’est pas tout à fait identique cependant l’approche qu’ont les professionnels avec les jeunes est identique. Etant orientés par la clinique, les professionnels prennent le temps de recevoir les jeunes, d’écouter leur demande ou de la construire avec eux, les jeunes ne formulant pas toujours de demande lorsqu’ils viennent consulter. Ce temps clinique consacré à la prise en charge me semble essentiel puisqu’il permet d’adapter au mieux les réponses qui peuvent être apportées aux jeunes. Certains professionnels exerçant à la MDA exercent également au sein du CMP et leur façon de penser la clinique ne diffère pas en fonction des lieux, leur orientation de travail est la même ce qui permet d’observer une certaine continuité entre le CMP et la MDA au sein desquels les professionnels sont tous soucieux du bien-être des jeunes, prenant le temps de recevoir ce qu’ils ont à amener.
En tant que stagiaire, ce stage a été très enseignant et enrichissant. Le fait d’être sur deux structures différentes m’a permis d’appréhender les choses de diverses manières et de constater la continuité qu’il existe dans le travail du psychologue qui ne diffère pas en fonction des structures lorsque celui-ci a une orientation de travail précise. Mon stage à la MDA étant court, je n’aurai pas eu l’occasion d’assister à de nombreux entretiens mais ceux auxquels j’ai pu assister ont été très intéressant. De plus, la possibilité de parler de ses entretiens avec ma tutrice m’a permis d’avoir un regard sur les jeunes accueillis et leurs problématiques. L’équipe est selon moi une force de la MDA puisque de nombreux échanges ont lieu, permettant d’avoir toujours les informations sur les jeunes et sur le travail effectué auprès d’eux. Les réflexions quant aux diverses situations se construisent à plusieurs ce qui permet, face aux situations difficiles, de ne pas être seuls et d’être soutenus sur le plan professionnel. Lors de mes études, j’ai souvent entendu que le métier de psychologue est un métier de solitude et qu’il fallait s’y habituer. Or, ce que j’ai observé tant au sein du CMP qu’au sein de la MDA indique le contraire. Lorsque l’on travaille au sein d’une équipe, nous ne sommes pas seuls et nous pouvons nous appuyer les uns sur les autres, chaque personne pouvant être un recours face aux prises en charge parfois complexes. La MDA est un lieu d'accueil et de soins, destiné aux adolescents et à leurs familles pour apporter une réponse aux souffrances liées à l’adolescence. Ce lieu est également un lieu d’accueil pour nous, stagiaires, qui nous permet de découvrir le travail auprès de ces jeunes et de leurs familles, de découvrir le travail en équipe et de nous découvrir nous-mêmes, en tant que futurs professionnels. Je remercie, par cet article, toute l’équipe de la MDA d’Albi et plus particulièrement ma tutrice, pour leur accueil et les enseignements qu’ils m’ont délivrés au fil des jours passés ensemble. Malgré ce stage court, ils ont eu à cœur de partager leurs connaissances, leurs métiers et leur bonne humeur. Un stage en MDA est une expérience forte où l’on apprend beaucoup, tant sur le plan professionnel que personnel, alors merci de nous offrir de si belles opportunités.
Pripis, C., Andrieux, V., Mille, C., & Duriez, S. (2011). La « maison » des adolescents : du concept de maison au lieu « de passage » adolescent. Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, 59(2), e10-e20.