Comme chaque année, l’ARS (Agence Régionale de la Santé) soutient la Maison des adolescents du Gers (dans le cadre de la subvention « prévention du mal-être chez les jeunes ») dans de développement d’un thème qui questionne l’équipe. Nous choisissons donc un thème qui nous vient directement du terrain, des adolescents et des parents que nous rencontrons mais également des professionnels. 

La Maison des ados explore alors ce thème en formant son équipe au complet afin d’organiser par la suite une session de formation pour les professionnels. Elle développe également un atelier avec les jeunes autour de la création d’un outil de prévention sur le principe « des jeunes qui s’adressent aux jeunes gersois ». Ces dernières années, nous avons ainsi créé un film de prévention sur le harcèlement scolaire (l'Âge Bête en 2015), une exposition photo sur les violences sexuelles (en 2017) et des vidéos de parodie (en 2019) autour de la téléréalité. Ces outils sont diffusés dans les établissements du Gers accueillant des adolescents, le plus souvent accompagnés d’interventions de l’équipe de la MDA.

Depuis quelque temps, la question des nouveaux processus de socialisation numérique se pose et inquiète les adultes. C’est pour cette raison que nous avons souhaité cette année aborder le thème du numérique chez les jeunes. Non pas qu’en terme de risque ou de danger, mais en terme d’usage, de sens, d’investissement et de création. Pour eux il n’existe pas deux univers distincts : l’univers numérique et l’univers « réel », le numérique fait parti de leur réalité. Alors certes il y a des comportements à risque numérique comme il y en a dans la « vrai » vie mais en pensant le numérique en terme de « faux », virtuel, par réel nous prenons le risque de passer à côté des enjeux réels dans lesquels les adolescents sont pris.  

C’est pour mieux comprendre cet impact auprès des adolescents et des adultes également (puisque les adolescents peuvent également être le reflet de nos propres usages) que nous avons demandé à un intervenant extérieur de former l’équipe et d’intervenir lors de deux journées d’étude et de réflexion à destination des partenaires.  La Maison Des Ados a sollicité Nicolas Sajus, Docteur en psychologie et psychopathologie clinique, chercheur et attaché de cours à l’université de psychologie et psychopathologie clinique, psychothérapeute, sexothérapeute, Conseiller conjugal et familial, Expert pour le tribunal. 

Après avoir déplacé nos journées en raison de la crise sanitaire, nous avons organisé deux journées à destinations des partenaires le 4 décembre 2020 et le 15 janvier 2021 en visio sous la forme d’un webinaire pour la première journée et d’une visio conférence plus interactive pour la seconde.

Nos journées ont réuni 91 inscriptions avec des participants qui ont visionné le webinaire en équipe. Un enregistrement pour une retranscription en Podcast a été diffusé. Nicolas Sajus a ainsi repris et redéfinit les enjeux d’identification adolescente autour du numérique. Des enjeux pris notamment dans une crise existentielle où les comportements à risque et les contours des investissements identitaires, narcissiques et affectifs passent par l’appréhension de l’ordalie et de la quête de sens. Le numérique serait ainsi un nouveau terrain de jeu pour les adolescents, où la « toile » pourrait être une aire de reproduction du manque de repères sociétaux dans lesquels ils sont pris.

Pour la deuxième journée, nous avons proposé aux participants de visionner le film « CONNEXION INTIME* » dont nous avons pu avoir l’autorisation exceptionnelle de diffusion d’un mois par la boite de production du film. Nous avions, au départ prévu une projection avec un ciné/débat mais la crise sanitaire nous a amené à repenser ce partage culturel afin de nourrir nos échanges. La matinée a donc été consacrée aux liens fait avec le film autour des conduites à risque numériques mais également avec la fragilité du lien dans lesquels certaines jeunes peuvent explorer leur limite dans la « toile » numérique.

Pour l’après-midi, une tribune de partenaire ont présenté leur prise en charge sur la question du numérique chez les jeunes : La Ligue de l’enseignement a notamment présenté ses interventions autour du thème « le porno à portée de clic » ; la Maison des ados a pu exposer son rôle de prévention, le type de situation que l’équipe peut rencontrer avec leur accompagnement vers le judiciaire lorsque c’est nécessaire mais surtout l’accompagnement thérapeutique comme une aide à penser l’agir et à rester acteurs des outils numérique et non pas victime d’eux ; l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Addictologie et alcoologie) a décrit ses actions de prévention et présenté ses Consultations Jeunes Consommateur (dont une à la MDA32) et la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) a abordé leur action autour de situation jeux d’argent et leur rôle dans les mesures de réparation auprès des auteurs de délits sexuels notamment (en partenariat avec la MDA32 notamment).

Pour ces journées, nous avons dû nous réinventer pour pouvoir nous rencontrer, sur un espace numérique qui collait bien au thème tout de même… Nous essayons de plus en plus d’investir également la toile numérique afin de nous rendre plus accessible aux jeunes ou de simplement mieux comprendre ce dans quoi ils sont pris. Mais les adolescents ayant à cœur de nous échapper, où iront-ils ensuite pour mieux exister sans nous et mieux nous renvoyer notre propre reflet ?  Emilie Elias (Psychologue MDA32).